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Le Blog de JACK NOUDILA
28 mai 2010

Pusher, dealer et bidonville : une autre approche de la traque de Dudus Coke

Récemment, chez un ami, j’ai revu avec grand plaisir ce qui était un film culte dans les années 70 : Easy Rider de Denis Hopper.  Le début du film se passe chez des Mexicains, dans un milieu très défavorisé. Ces latinos ont passé de la cocaïne vers les États-Unis et les deux héros l’achètent. Un regard profond de cette scène nous montre les visages rieurs de ces gens très pauvres. La plupart ont les dents gâtées par manque de soins, mais ils semblent manger à leur faim grâce à cette casse auto où ils travaillent pour le compte d’un autre mexicain qui a le sens des affaires (on dirait de nos jours un bon commercial), lequel a les moyens de s’acheter un costume et des chaussures de qualité supérieure aux autres. C’est le boss de la casse qui ne sert que de vitrine pour un trafic plus rentable et moins avouable que celui des pièces de voiture. Compte tenu de ce petit commerce de l’économie informelle, il n’est pas idiot de dire que notre homme fait vivre quelques familles. Il est clair que si l’écart des revenus entre le chef et ses hommes est manifeste, on sent une certaine proximité bien plus grande qu’entre la plupart des chefs d’entreprises de l’économie formelle et leurs salariés.

Un peu plus loin dans le film, les deux acteurs principaux du film revendent la cocaïne à un tout autre genre d’individu. L’homme à qui ils ont donné rendez-vous près d’un aéroport est habillé de façon plus négligée, plus discrète. Mais sa voiture est une sorte de Rolls (ou un équivalent, je n’ai pas bien vu). Autour de lui, un gorille qui ne parle pas et que l’on n’a pas envie de brusquer. Il est clair que nous sommes là dans le grand banditisme que l’on nomme avec le terme de « Mafia », terme qui fait peur et inquiète, car lié dans l’imaginaire collectif avec les assassins. Dans tous les cas de figure, notre acheteur semble très éloigné du petit peuple des premières scènes.

Une fois les transactions terminées, les deux motos démarrent avec une chanson de Steppenwolf : The Pusher.

Pour ceux qui ne connaissent pas cette chanson dans son intégralité, elle parle du Pusher et du Dealer et fait bien la différence entre les deux. Les Mexicains sont des dealers, l’homme de la Mafia est le Pusher. Steppenwolf oppose les deux types de vendeurs de drogue en traitant le pusher de monstre et le dealer d’ami. De nos jours, un tel traitement paraît invraisemblable, car le mot dealer est utilisé de façon très péjorative. Le dealer est devenu le monstre à abattre et on ne fait plus de distinction entre pushers dont le terme a quasiment disparu et dealers. Les juges, lors d’affaires de trafic de drogue se basent exclusivement sur la quantité pour apprécier et condamner sans s’occuper du lien économique entre les différents acteurs du trafic et la population autour.

Toute cette grande introduction pour parler de ce qui s’est passé en Jamaïque en mai 2010. Que s’est-il passé :

Les États-Unis ont décidé d’arrêter un ressortissant étranger à leur pays dans un autre pays que le leur. Cela parait normal aujourd’hui, mais il y a 30 ans cela aurait été vu comme une ingérence inacceptable et aurait été traité, avec raison, de colonialisme. Je ne traiterai pas de ce sujet ici, ce n’est pas ce qui nous préoccupe, à savoir si les mandats d’arrêt internationaux sont justes ou non. Ceci est un autre débat.

Qui est l’homme qu’ils souhaitent arrêter ? Au vu de ce que l’on peut parfois lire (avec difficulté, j’en conviens) dans différents médias internet, il habite les bidonvilles de Kingston la plupart du temps. La population de ces bidonvilles l’adore, car il les fait vivre et finance même des écoles et des dispensaires. Si l’homme habitait un quartier luxueux de Kingston, et ne partageait pas un sou de ses revenus aux habitants des quartiers défavorisés, il y a lieu de penser qu’un soulèvement (car il s’agit bien d’un soulèvement) des bidonvilles n’aurait pas eu lieu. Cet homme : Dudus est donc le cas typique du dealer et n’est en aucune façon un pusher. Il est né dans les taudis et a passé sa vie à lutter dans un système où il n’avait aucune chance de s’élever autre que la voie qu’il a choisie. Qu’il soit violent, qu’il ait assassiné ceux qui s’opposaient à lui n’a rien d’extraordinaire. L’homme est un prédateur naturellement violent, et seul un milieu aisé et cultivé, donc riche, permet de s’affranchir de cette violence.  On peut toujours rétorquer que les gens vivant en communautés religieuses peuvent être pauvres et non-violents ; ce sont des systèmes de petite taille et fermés où chacun a de quoi manger. De plus, il existe en leur sein une forme de violence tout autre.

L’homme honnête, façonné par des siècles de servitude, trouve normal de lutter contre les dealers (il ne fait pas la différence entre dealers et pushers) de drogue. De même pour la prostitution, pour la contrefaçon et d’une façon générale contre tout ce que l’on appelle économie informelle. Il rêve d’un jour où sera éradiquée toute forme de ce qui est contre la loi, considérée comme le bien dans un système dualiste. Le mal est donc l’informel. De cela, on peut comprendre pourquoi les pollueurs de Bopal, les responsables de la marée noire en Louisiane, les assassins agissant pour des multinationales dans des pays lointains ne seront JAMAIS réellement inquiétés. Cela ne s’est jamais produit et ne se produira jamais. Ils font partie de l’économie formelle et engageront leurs avocats dans de longues batailles de procédures, tout cela dans le monde du Bien (n’oublions pas que les religions dualistes sont les plus répandues).

À l’inverse, qu’importe que le dealer fasse vivre une partie de la population d’un bidonville, qu’il leur apporte la santé, la nourriture, l’argent et un peu moins de misère. Qu’importe si en le supprimant, il sera remplacé, car les habitants des bidonvilles n’ont d’autre choix que l’économie informelle ou mourir.  Il est dans le monde du mal et pourra avoir tous les avocats qu’il peut payer par ses amis. Les décisions des tribunaux seront rendues contre lui, car il est la personnification du mal.

Quel est le but de la vie ?

Survivre, se reproduire et s’adapter au milieu.

Survivre, cela suppose manger à sa faim et disposer d’un accès aux soins. Se reproduire et s’adapter au milieu suppose d’avoir une éducation pour ses enfants.

Dans un milieu surpeuplé aux ressources rares, deux solutions s’offrent du point de vue logique :

Le partage entre tous avec des différences de traitement minime entre les individus. C’est ce que certains pensent être le communisme, le socialisme et autres choses se terminant souvent par isme et siégeant à gauche des autres. Cette première solution n’existe presque pas sur la planète en dehors de petits états critiqués. Elle ne me semble pas viable à grande échelle au vu de l’évolution actuelle. Les forces sont de l’autre côté.

L’autre solution est que quelques-uns s’enrichissent, fassent une sorte de caste de seigneurs, protègent une petite partie de la population à leurs ordres à qui ils donneront assez de miettes pour ne pas mourir de faim. Le reste de la population, lui, il n’existe tout simplement pas. Il est nié, à défaut d’être massacré, ce qui provoquerait un mécontentement des autres états qui pourraient faire des rapprochements avec ce qui s’est passé lors de la Seconde Guerre mondiale. La politique de l’autruche étant la plus facile, la population des délaissés est tout simplement niée. Elle n’existe pas.

Les lois sont faites pour ce que j’hésiterai à appeler classe moyenne, je dirai plutôt serviteurs des féodaux. Les lois sont bonnes pour l’harmonie de la vie en société. Elles ignorent tout simplement ceux qui n’existent pas : les slums, favellas, bidonvilles, etc.

Lorsque les puissants s’occupent de ces lieux, c’est pour envoyer des forces régaliennes dont les missions sont d’éviter un débordement hors de ces mêmes lieux (manifestations, économie souterraine ayant des conséquences au sein des deux castes des aisés, pollution provoquée par les habitants de ces bidonvilles et touchant les zones aisées, etc.).

Si on prend les flux de nourriture et de biens indispensables pour la survie des habitants des zones défavorisés, sachant que la production de nourriture vient d’endroits extérieurs (les potagers des bidonvilles sont souvent inexistants ou très petits et souvent pillés), cela suppose une rentrée d’un flot monétaire. Les habitants de ces zones étant privés de l’accès au travail (trop de monde pour pas assez de ressources et d’emplois), l’unique solution est l’économie informelle. Celle où les autres ne veulent pas entrer pour des raisons propres à leurs morales religieuses ou laïques. En raison du manque d’éducation, c’est la seule qui s’exporte. Vouloir rêver d’habitants de bidonvilles se spécialisant dans la robotique ou tout autre domaine formel manipulant des masses d’argent pour exporter à l’étranger est ridicule. Ils n’ont pas l’éducation. Et puis, il y a un marché pour la drogue comme pour le sexe. C’est toujours curieux comme les états sont prêts à attendre l’action de la main invisible du marché pour régulariser leurs transactions formelles et comment ils s’entêtent à combattre l’économie informelle, alors qu’il suffirait d’attendre que cette même main invisible du marché fasse sont travail pour que tout ailles pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Prenons le cas d’un pays proche de nous, par exemple la France. Les bidonvilles sont actuellement les banlieues à problème. Ceux qui ont essayé de vivre avec un RMI de 437 € savent que c’est tout simplement impossible, à moins de mourir de froid à défaut de mourir de faim. Je ne ferais pas de calcul ici. C’est tout simplement impossible. À moins, d’avoir une aide extérieure ou… une rentrée de l’économie informelle.

Les prix grimpent depuis plus de dix ans de façon vertigineuse. Officiellement, non, en réalité si, mais il ne faut pas le dire… officiellement.

Que l’Euro grimpe ou baisse, les perdants seront toujours les mêmes. Mais si l’Euro fait des mouvements très brusques, les prix des ressources de bases (alimentaires et chauffage) vont augmenter, car le prix de l’énergie va augmenter en proportion. L’économie informelle ne va aller qu’en augmentant. La drogue et la prostitution auront de beaux jours devant elles et il se trouvera toujours des braves gens pour vilipender les méchants trafiquants et les affreuses prostituées et leurs souteneurs quand elles en ont. Quand un autre Dudus sera pris en chasse, ils applaudiront des deux mains en soutenant la police. De droite ou de gauche, ils demanderont que l’ordre règne dans les banlieues, l’ordre policier. Ils ne se poseront pas la question :

Comment peuvent-ils survivre ?

C’est cela les hommes honnêtes… après des siècles de servitude.

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Commentaires
L
vaste sujet de discussion ...la survie....<br /> "Survivre, cela suppose manger à sa faim "<br /> <br /> ... on peut aussi " manger sans avoir faim pour survivre...."
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