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Le Blog de JACK NOUDILA
27 mai 2010

Retour sur présente absence 1

La réalité et l’imaginaire

Il m’est arrivé, lors d’une dédicace de « Présente absence » d’écrire une petite phrase qui disait à peu près :

Il est admis que ce livre existe. La question est donc : l’auteur existe-t-il ?

Sur le ton de la plaisanterie, il est possible de soulever le voile sur un phénomène mal connu (et pour cause…) : la subjectivité de la réalité.

Il est probable que certains hommes se sont posé la question depuis les débuts de la pensée articulée. En effet, les concepts de réalité et de rêve (ou de songe, voire de pensée) ne sont pas observables directement par les autres, en dehors de la communication par le langage parlé qui véhicule des concepts abstraits difficilement traduisibles par des mimiques ou des gestes. Ces domaines sont du propre à l’individu et ne sont communicables que par le biais d’un langage parlé ou écrit. Ce qui m’amène à penser que les débuts de la magie qui est la base des animismes avant de devenir celle des religions sont postérieurs à l’acquisition du langage articulé complexe chez l’homme. Par voie de conséquence, on pourrait extrapoler que la maîtrise du feu est donc postérieure à ce langage. Le feu pouvant avoir la double fonction d’outil et de phénomène magique, je m’abstiendrai d’en tirer une conclusion ; nous ne pouvons pas savoir si la domestication du feu a eu, dans les temps très anciens, un rôle magique avant, ou en même temps, que celui d’outil.

Une chose est sûre, les concepts de réalité et de rêve (j’appelle rêve tout ce qui est du domaine exclusivement mental) ont été créés, puis mis en opposition dans une période plus récente que l’on croit.

Lorsque les invités discutent du « temps du rêve » de la mythologie australienne, la question est juste effleurée. Pourtant, tout le long de ce roman, le lecteur ne sait pas très bien ce qui est réel de ce qui ne l’est pas. Si tenté qu’un roman soit réel, en dehors de l’objet physique, et encore…

Le film Matrix des frères Wachowski pose très bien le problème. Peu de gens ont vu la profondeur de la réflexion à ce sujet qui est le pivot central autour duquel s’articule une histoire. Ce n’est pas un hasard si le livre dans lequel Neo cache ses programmes au début du film est le « simulacres et simulations » de Jean Baudrillard. Nous appelons réalité l’interprétation par notre cerveau de nos sens. Dans Matrix, le programme qui permet une interprétation donnée commune à tous (ou presque) porte un nom : la matrice.

C’est en cela que je pose comme axiome que le livre existe. Pourtant, pour quelqu’un dans un état de non-communication comme certains comas, ce livre n’existe pas plus que les médecins et les infirmières qui l’entourent. Et pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler, il n’existe pas. De même pour ceux qui l’oublieront un jour. Il n’aura alors pas plus de réalité que les innombrables livres de l’antiquité dont nous n’avons jamais entendu parler et qui ne sont même plus à l’état de trace dans un quelconque texte non encore découvert.

Il y a quelques années, des physiciens avançaient une hypothèse ardue et d’apparence invraisemblable : nous créons notre propre univers à mesure que nous évoluons.

Derrière ces questionnements se retrouve la quête de sens que Barjavel a résumé dans son roman « Les chemins de Katmandou » : À quoi on sert ? Cette quête de sens est du pain béni pour toutes les croyances qui tentent d’asservir l’homme au nom d’un ou de plusieurs Dieux, cela depuis les débuts des religions politiques, c'est-à-dire des proto-cités. Avant cette période, la quête de sens s’arrête à la nature et à la destinée, ce qui, comme nous le verrons plus loin, est une réflexion moins parasitée par ce que j’appelle des « constructions mentales ».

En définitive, nous ne savons pas ce qu’est la réalité, Descartes, s’il vivait de nos jours pourrait dire « Je pense, donc je me trompe », mais à son époque, le combat contre l’ignorance était tout autre. Si nous prenons simplement nos sens, de même que nous ne percevons que trois dimensions du fait de la structure de notre cerveau, nous ne percevons pas le même monde que les insectes perçoivent, aussi bien au niveau des couleurs que des formes. Qui fait la différence entre le blanc et l’ultraviolet ? Une abeille, sûrement, mais pas nous. Nous ne sommes que des aveugles à leur monde. Le jeu amusant des illusions d’optique, acoustiques, et de nos autres sens est une sorte de curiosité de foire. Il devrait pourtant nous enseigner davantage d’humilité face à ce que nous croyons vrai.

Il semble facile de dire à un schizophrène que ce qu’il entend (ou vois, ou sens) ne sont que des illusions. En réalité, c’est très difficile, car ce qu’il ressent est du domaine du vrai puisqu’il le ressent. C’est dans les limites de nos sociétés urbanisées qu’on le traite de malade. Effectivement, des zones de son cerveau s’emballent, sans que l’on sache encore très bien pourquoi, vu le nombre de paramètres en jeu. Tout au plus sait-on qu’il y a plusieurs causes pouvant conduire à des conséquences d’apparence voisines.

Il est admis que tous les individus sont différents (admettons que « les autres » existent pour simplifier), donc chacun vit dans un monde différent. Un monde mental où les limites entre réalité et imaginaire sont propres à chacun. Sans aller dans l’extrême de l’exemple du schizophrène, la différence entre réalité et imaginaire se traduit par l’expression : « ne pas croire l’autre ».

Ainsi, lors d’un dialogue, il y a toujours des points de blocages. Ces points de blocage sont dus à la structure mentale de l’autre. Ces structures se construisent tant que le réseau neuronal est en évolution. Cette évolution est variable suivant les individus. Comme le dit le dicton : Avec l’âge, les raideurs se déplacent.

Les phénomènes de construction des structures mentales sont étudiés en profondeur depuis environ un siècle. Konrad Lorenz en étudiant ce qu’il appelait le Pragnung (empreinte) chez les oiseaux n’imaginait pas où cela nous mènerait. Plus près de nous, Noam Chomski a étudié les techniques de propagande qui sont aussi des phénomènes de construction de structure mentales. Cette dernière a toujours existé sous une forme empirique, mais les dernières années du XXe siècle l’ont rendue terriblement efficace, au point qu’il est plus facile aujourd’hui de contrôler des masses de gens qu’à une période plus ancienne où les véritables révoltes étaient plus fréquentes.

Avant de continuer, il est important de dégrossir, à défaut de détailler, quelques éléments de ces structures mentales.

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