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Le Blog de JACK NOUDILA
27 mai 2010

UNE FLEUR EST UN SEXE COMME UN AUTRE

Romain Sylveste se maudit de ne pas avoir vérifié les batteries de son talkie-walkie. Il fallait que les autres voient ça ! Il ne pouvait pas les contacter les autres chercheurs. Il vérifia les coordonnées sur son GPS. Il avait marché une heure en direction du Nord, quittant le camp des autres naturalistes, afin de faire quelques relevés. Un mois qu’ils étaient sur place à explorer cette vallée toujours couverte de brume et de forêt où l’humidité était difficilement soutenable : mais quelle moisson ! Des plantes jamais vues ailleurs, des insectes énormes, tout cela était le rêve du botaniste qu’il était. Mais à côté de ce qu’il venait de voir, tout cela n’était rien ! Il venait de voir la fleur ! Une fleur énorme d’un rouge vif ! Une fleur de deux mètres de diamètre assurément, et autant de hauteur ! Elle ressemblait à une grosse tulipe et se tenait dans un espace de trente mètres carrés où ne poussait aucun arbre. En bordure de la clairière ainsi formée, les arbres étaient maladifs avec de nombreuses branches mortes. Romain Sylveste s’avança et examina la végétation en bordure de clairière.

« Il semble que cette plante fasse le vide autour d’elle. Assurément la plus grande fleur du monde ».

À ce moment, une légère brise se mit à souffler. Il reçut l’odeur comme une révélation. La plupart des fleurs de grandes tailles ont une particularité : elles puent. Celle-là avait un parfum sublime, une fragrance subtile et douce comme il n’avait jamais senti de sa vie.

« Bon sang, cette fleur ferait la fortune d’un parfumeur ! »

Il s’avança, marchant sur les immenses feuilles presque séchées qui entouraient la plante.

« Cette plante est à la fin de sa vie, elle fleurit en mourant, les feuilles manquent d’eau. Quel âge peut-elle donc avoir ? »

Il s’approcha de l’immense corolle presque aussi haute que lui.

« Il faut que je voie cela de plus près. »

Il fit le tour de la fleur, comptant les pétales. Ils étaient en nombre impair. Le sol craquait sous ses pas. Il se hissa sur la pointe des pieds pour voir l’intérieur de la corolle.

Un pistil énorme, tel une trompe d’éléphant d’un noir brillant se trouvait au centre de la fleur. Autour, disposés régulièrement, deux cercles d’étamines jaunes semblaient couverts de soufre pulvérulent.

Romain Sylveste respira la fleur. Ce parfum était si bon, jamais il n’aurait pensé que cela puisse exister. Il restait bêtement à inhaler cette odeur. Il n’avait plus envie de partir. Cette fleur avait le parfum de l’amour même. Il en devenait amoureux.

« Je lui donnerai mon nom Roma sylvestis specia. ».

La fleur aussi était amoureuse de Romain Sylveste. Pour le garder, elle envoyait avec force de l’eau dans ses feuilles desséchées qui reprenaient vie comme une rose des sables. Romain Sylveste se remplissait les poumons de béatitude et ne fit pas attention à la douce caresse d’une feuille sur sa jambe. La fleur aimait Romain Sylveste et l’enlaça, il était toujours aux anges. Elle le souleva avec délicatesse et le fit retomber dans la corolle qui se referma sur lui. Les sucs digestifs entrèrent en action.

Quelques heures après, la corolle se rouvrit laissant échapper ce qui n’était pas digérable : débris d’os, casquette, chaussure, GPS et talkie-walkie. Une nouvelle feuille se mit à pousser à toute vitesse pour recouvrir ces témoins du passage de l’humain.

Dans la jungle, un rot sonore de satisfaction se fit entendre...

Au campement, l’entomologiste laissa retomber sa fourchette dans son assiette et s’adressa, en riant, à son compagnon assis à sa droite :

— Et bien docteur, je dois admettre que vous avez raison, ces fleurs sont un excellent légume, j’espère juste que nous ne nous sommes pas empoisonnés.

— Rassurez-vous c’est juste des fleurs d’une espèce que notre botaniste a identifié comme une Brassica. Aucun danger. À propos, que fait-il celui-là ? Il a oublié les batteries pleines en partant. Je crois que je vais devoir partir le chercher après le café.

— Ce Romain, toujours aussi distrait ! Bien, dès que vous le trouverez, ramenez-le immédiatement.

La fleur était retombée dans son attente. Elle savait que les autres, à la recherche de leur compagnon, n’allaient pas tarder à arriver...

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Commentaires
L
ça commence toujours pareil ...on croit à une belle histoire d'amour ....le côté " fleur bleue" ...et on se fait bouffer !!!<br /> Amusant .....
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